Ce que l’on sait de l’Histoire du Château de Mezerville
Gaston Tissinier, historien de Salles sur l’Hers, disait en 1987
« Mézerville a possédé longtemps le plus remarquable monument de la Piège ; on peut craindre sa disparition à plus ou moins longue échéance. »
Totalement en ruines dès 1965 date du décès de la dernière occupante, descendante de la famille de Mondini, il a été sauvé en 1975 par un américain, Howard Gregory qui a refait le toit. Ensuite Jacques Demichelis a poursuivi la restauration de 1995 à 2006.
La première trace trouvée dans les archives date de 1209 :
L’acquisition faite par Raimond-Roger, comte de Foix, des fiefs de Molandier, La Louvière, Mézerville auprès de Bernard et Sicard de Montaut.
En fait, d’après la construction germanique du nom de Mézerville, il s’agit d’un village Franc (de l’autre côté de la frontière de la Septimanie — vers Bram— où sont les wisigoths, la construction des noms est inverse: Villemagne par ex) . De plus la racine Mézer semble signifier « rempart ». Il devait donc y avoir un site fortifié dès le 6° siècle. Pour le château, évidemment, on ne sait pas.
Sicard de Montaut, allié des croisés, participe au siège de Toulouse en 1218. On lit dans la Chanson de la croisade albigeoise : « A la tête des croisés le comte de Montfort s’élance rapidement le premier, à sa suite Sicard de Montaut et son gonfanonier, Jean de Berzy et Foucaud… ». Blessé à Baziège en 1219, il rejoindra le comte de Toulouse ultérieurement.
Les fiefs cités plus haut constituent à cette époque la frontière nord-est du comté de Foix. Sans doute il existait avant cette date un simple donjon semblable à celui de Salles sur l’Hers. Et ce n’est qu’au 15° siècle que le château a pris sa forme actuelle.
Les 13° et 14° siècles. Le château de Mézerville et les cathares
Propriétaire des lieux, le comte de Foix héberge à Mézerville, avec le titre de châtelain, noble Pierre-Raimond de Rabat. Suspecté de catharisme, ce dernier est interrogé par l’inquisiteur Bernard de Caux :
« ..L’an du Seigneur 1246 Pierre-Raimond de Rabat chevalier qui demeure à Mézerville, témoin ayant prêté serment dit : j’ai vu à Belestat (entre Saint-Sernin et Mézerville) des parfaits résidant publiquement, ainsi qu’en plusieurs autres lieux. Mais je n’ai eu alors aucun commerce avec eux. Il s’est confessé et il abjura l’hérésie»
En 1246 le roi de France est Saint Louis qui règne de 1226 à sa mort en 1270.
La grande cheminée de la salle des chevaliers avec le four à pain, celle du salon de la suite bleue ainsi que le mur nord du château peuvent être datés du 13° siècle. Dans ce mur nord, dans le salon de la suite bleue, une niche, antérieure à la tour de l’escalier à vis qui l’obstrue, présente une frise et un encorbellement semblables à ceux que l’on trouve à la Cité de Carcassonne. Ce qui confirme la datation. Le candélabre en fer qui s’y trouve est l’œuvre de Rebecca Gregory, la fille de Howard Gregory, inspirée par la rigueur du bâtiment qu’elle a bien connu dans son enfance.
Mézerville est donc resté catholique, mais a tout de même frôlé le catharisme.
Dans le registre de l’Inquisition de Jacques Fournier en 1320, un personnage important de Montaillou, Béatrice de Planissoles, châtelaine du lieu, suspectée de catharisme, est interrogée à plusieurs reprises par l’évêque. Elle tente de fuir une convocation à Pamiers, se réfugie à Belpech et fait appel à l’un de ses anciens amants, Barthélémy Amilhac alors prêtre à Mézerville qui vient la retrouver.
« Il me dit que j’avais eu tort de fuir, qu’il me fallait revenir et comparaître devant monseigneur l’évêque. Je répondis que je ne le ferais en aucune manière… Le prêtre me dit : si c’est ainsi, prenez cet argent et il me donna huit tournois d’argent…dit qu’il ne m’abandonnerait pas jusqu’à ce que je fusse à Limoux, mais qu’après la fête de l’invention de Saint-Etienne (5 août), fête pour laquelle il lui fallait être à Mézerville parce que c’est la fête du lieu, il me conduirait à Limoux…Je me réjouis de l’entendre…Nous allâmes, moi, ce prêtre et un sergent de Belpech, au Mas-Saintes-Puelles où je fus arrêtée par les gens de monseigneur l’évêque et amenée par eux auprès de lui. »
Ainsi, en 1320, l’église de Mézerville était déjà dédiée à saint Étienne et la fête du village avait déjà lieu en août pour fêter l’invention de saint Étienne, c’est-à-dire la date de la découverte des reliques du saint. Saint Étienne (ou Stéphane) est le premier martyr de la chrétienté. Sa mort par lapidation fut le départ des persécutions et il est à l’origine du culte des saints. Érudit, reconnu comme sage, il avait été nommé diacre pour assister les apôtres. Sa fête est célébrée le 25 décembre. La date célébrée en août est celle du transfert de ses reliques qui a donné lieu à un quiproquo vite transformé en légende : voulant transférer un corps de Jérusalem à Constantinople, on se trompa de sarcophage et on emporta celui de saint Étienne. Tout au long du parcours, les miracles se multiplièrent et puis il fallut s’arrêter : douze mules refusèrent de poursuivre le chemin ! A cet endroit, nommé Constantianès, on construisit une église dédiée au saint.
C’est donc cet événement du premier siècle après JC que nous fêtons encore ici à Mézerville depuis le Moyen Âge!
Il faut attendre plus d’un siècle après la première acquisition de 1208 pour retrouver trace de l’histoire de Mézerville. Siècle au cours duquel la peste sévit et décime plus du quart de la population.(1340-1360)
Pendant la guerre de cent ans (1337-1453), au XIV° siècle, le Château de Mézerville appartient toujours au Comté de Foix où règne Gaston Phébus (1331 – 1391), « Gaston par la grâce de Dieu, Comte de Foix, Seigneur de Béarn, Vicomte de Nébouzan, Lautrec et d’Albigeois ». Une carte, conservée au Musée de l’Hôtel d’Ardouin et du Vieux Mazères, montre l’étendue de son domaine. Cette carte est une curiosité car elle est bizarrement inversée (le sud est en haut) et elle date du 18° siècle. Elle est due à Roussel et La Blottière qui orientaient leurs cartes dans le sens « utile ».
Personnage puissant, flamboyant, surnommé « Phébus », Gaston est un habile négociateur, homme de guerre et poète à ses heures. « Tout mon temps me suis délecté spécialement de trois choses : les armes, l’amour et la chasse. » Il rédige en 1387 son très célèbre « Livre de chasse », ouvrage remarquable par ses descriptions et son imagerie.
Il ne fait pas de doute que Phébus séjournant très souvent dans son château de Mazères ne soit venu à Mézerville se réchauffer au pied de la grande cheminée lors de ses parties de chasse.
Phébus est en conflit financier violent avec son beau-père, le roi de Navarre. Sa femme, Agnès de Navarre, se sépare de lui et rejoint sa famille en Espagne. Il semble que Phébus éprouve quelques regrets après cette séparation : il rédige alors la célèbre « canso » : « Se canto » où un oiseau sous sa fenêtre chante pour sa mie qui est loin de lui et où ces fières montagnes, si hautes, l’empêchent de voir son amour. Aujourd’hui dans tout le sud-ouest de la France, cette chanson peut être considérée comme un « hymne » régional. On ne termine pas une fête familiale ou amicale sans l’entonner.
Les 15° et 16° siècles
Nous n’avons pas d’indication sur la transmission, mais en 1428, lors du remariage de Jean d‘Aulon avec Hélène de Mauléon, dame de Caudeval, l’acte de mariage stipule que Jean d’Aulon est chevalier, seigneur de Mézerville, Peyrefitte et Belesta.
Ce personnage, « est célèbre pour avoir été pour Jeanne d’Arc le compagnon de tous les instants » de Poitiers à Rouen puisqu’il fut fait prisonnier avec elle en 1430. Le roi Charles VII l’avait choisi pour veiller personnellement sur Jeanne parce qu’il était « le chevalier le plus sage et de l’honnêteté la plus éprouvée de tout son entourage ». Sa conduite auprès d’elle lui valut d’être investi par Charles VII de plusieurs missions de confiance. « Lors de son entrée solennelle à Paris en 1437, c’est lui qui à pied tenait par la bride le cheval du roi ». Ensuite l’archevêque de Reims, sollicita son témoignage lors du procès en réhabilitation de Jeanne d’Arc. C’est la fin de la guerre de cent ans.
Jean d’Aulon transforme le château de Mézerville et lui donne son aspect actuel avec ses tours, ses fenêtres à meneaux, son prolongement à l’est. Pour autant, il ne perd pas ses attributs défensifs : bretèche, échauguettes avec meurtrières, probable courtine, chemin de ronde dont on voit les traces d’implantation en haut du mur ouest. Et il reste à l’abri de ses remparts.
Une curiosité architecturale : les latrines du 15° siècle dans la tour de la chambre des demoiselles dont l’évacuation se situe en contrebas, sous une arche, au pied de la tour, dans la basse-cour fréquentée par la volaille et sans doute les porcs (et dont on n’ose pas imaginer les odeurs). Un détail architectural porte la marque du 16° siècle : le décor de pierres taillées en forme de diamant sur la cheminée de la chambre de la suite bleue.
Jean d’Aulon est un soldat et aussi un inventeur : on lui doit le canon à chargement arrière qu’on pouvait voir au château de Caudeval (qui n’est peut-être plus ouvert à la visite)
Il meurt en 1458 et sa succession semble compliquée dans une sombre histoire de famille —avec à la clef un procès entre sa veuve, Hélène de Mauléon, et le petit fils du premier mariage de Jean d’Aulon qui conserve le bien de son grand père au terme du procès.
La famille d’Aulon reste propriétaire de Mézerville pendant deux siècles, jusqu’en 1613. (Pendant les règnes de Louis XI (1423/1483), Charles VIII, Louis XII, François Ier (1515/1547), Henri II, François II, Charles IX (1560-1574), Henri III, Henri IV (1589-1610).
C’est dans la deuxième moitié du 15° siècle que débute le siècle de la culture du pastel et la richesse de cette région !
Le pastel, plante tinctoriale, permettait d’obtenir une couleur bleue qui avait le mérite de ne pas « passer » au soleil « De par de-çà en tout le royaume, le pastel ne vient bien qu’en Lauragais » (Olivier de Serres)
La récolte des feuilles commençait vers la Saint-Jean et se poursuivait ensuite tous les 25 jours pour les feuilles les plus mûres de juillet à octobre.
La préparation du pastel tinctorial se faisait ensuite par le broyage au moulin pastelier, au moyen d’une meule en pierre actionnée par un mulet.
La pulpe mise en tas, débarrassée de son eau, était roulée en « coques », « coquaignes » ou « cocagnes » (d’où l’expression « pays de cocagne »), boules de 12 à 15 cm de diamètre, qui étaient ensuite séchées pendant 15 à 20 jours dans des hangars.
Les coques étaient alors écrasées, mises en fermentation avec de la chaux. Au bout de quelques temps, on obtenait ainsi « l’agranat » qui, pulvérisé, passé au crible, était mis en sacs ou en barils et commercialisé. Le pastel a, entre autres, teinté en bleu les uniformes de l’armée royale et fait la richesse des négociants de Toulouse. L’un d’eux, Jean de Bernuy, a même pu se porter caution de l’énorme rançon exigée par Charles Quint pour la libération de François 1er fait prisonnier à la bataille de Pavie en 1526. C’est au pastel qu’on doit les beaux hôtels particuliers de Toulouse.
Un documentaire très bien fait sur la culture du Pastel peut se voir à Mazères, au Musée de l’Hôtel d’Ardouin.
Ici à Mézerville, il y a le « lavoir » alimenté par une source à l’entrée du village et près du château la maison s’appelle « le Pastelier ». Elle abritait probablement le moulin.
Un drame mystérieux se produisit à Mézerville en 1517 :
En 1504, un Jean d’Aulon, petit-fils du précédent, devient seigneur de Caudeval et de Mézerville. Le 23 juin 1517 (sous François Ier), ce Jean d’Aulon est condamné à avoir la tête tranchée, ses biens confisqués sauf un tiers à ses enfants légitimes — sans qu’on puisse savoir le motif de sa condamnation !
« …il sera dit que pour punition et réparations de crimes et maléfices commis et perpétrés par ledit Daulon la cour l’a condamné et condamne estre mis sur une charrette ou tombereau lié et attaché le haut du col faire le cours par les rues a coustumes de Toulouse…et apres être amené au pilory et illec avoir la tête tranchée laquelle sera mise au pal qui est pres de la maldroit (maladrerie) du château narbonnois et le corps au gibet de la Salade et a confisqué et confisque au roy tous ses biens desquels sera détracté la tierce partie que la cour a appliqué et applique aux enfants légitimes et naturels d’iceluy Daulon… »
Le même jour, Antoine de Sainte Colombe, son voisin de Labastide (de Couloumat) est condamné à avoir le poing droit coupé et à être banni à perpétuité :
« …il sera dit que pour punition et réparation des cas crimes et maléfices commis et perpétrés par ledit Ste Colombe la Cour l’a condamné et condamne etre mis sur une charrette ou tombereau et lié et attaché faire le cours par les rues et quarefour a coustumes de Tlse…et apres estre mis au pillory et illec avoir le poing droit coupé lequel sera mis et cloué à un pal au lieu appelé de Saint Roque… »
La barbarie des peines prononcées est sans doute pire que le délit ! Et s’il y a un fantôme à Mézerville, c’est sans doute sa mémoire qui ne veut pas s’effacer….
Nicolas d’Aulon, fils de Jean, est de nouveau seigneur de Mézerville en 1536. En 1551 il rend l’hommage de vassalité à Castelnaudary à Catherine de Médicis pour la totalité de la seigneurie de Mézerville, avec toute justice, haute (les oubliettes sous la tour ouest), moyenne (le cachot sous la tour est) et basse, et pour un quart de la seigneurie de Saint-Sernin.
Sa fille Paule d’Aulon apporte en dot le château de Mézerville lors de son mariage avec Corbeyran de Rigaud en 1562.
Dès 1562 les guerres de religion mettent fin à la paix (massacre de la Saint Barthélémy en 1572, édit de Nantes en 1598 sous Henri IV)
On sait que, un peu plus tard, les protestants pillent les métairies de Mézerville et Sainte-Camelle. D’après les Archives de la famille Martimor, en 1571, Jean-Jacques de Rigaud de Villemagne, neveu de Corbeyran de Rigaud, commande à Mézerville, fief catholique, une douzaine de soldats. Il s’empara sur l’ordre du maréchal de Damville de tous les grains qu’il trouva dans les métairies voisines pour payer les soldats qui défendaient son château. Raymond de Martimor n’en fut jamais remboursé. « De plus ce capitaine fit démolir les murs qui entouraient ces métairies pour éviter que les religionnaires n’y fissent de guérites »
Les guerres de religion ont mis fin à la paix et probablement contribué au déclin du pastel (supplanté par l’indigo) qui mettra fin à la prospérité. Il faudra attendre le canal du midi à la fin du XVII° siècle pour que la région trouve des débouchés commerciaux intéressants en exportant le blé. C’est sans doute au cours de cette deuxième période de prospérité que le grand escalier en bois sera construit et l’ancienne cuisine aménagée.
17° et 18° siècles
Sous Louis XIII (1610/1643), Louis XIV (1643/1715), Louis XV (1715-1774), Louis XVI (1774-1792)
La cheminée de la suite des archers est décorée de pierres à bossage typiques du 17° siècle, tandis que celle de la chambre des demoiselles est en marbre gris typique de la Régence (1715-1723)
Corbeyran de Rigaud vendit Mézerville à noble Barthélémy de Plaigne, co-seigneur de Plaigne, qui mourut en 1613. La seigneurie fut alors vendue à Jean de Donault, bourgeois anobli par sa charge de Trésorier de France.
La famille de Donault va rester à Mézerville pendant deux siècles. Il est dit que c’est Pierre de Donault alors évêque de Mirepoix qui l’acheta pour ses neveux avec l’argent des obis (ce sont les dons faits à l’église pour des messes aux défunts — à perpétuité…Serait-ce une forme d’abus de bien social ????).
En 1613, la seigneurie de Mézerville comprenait château, pigeonnier, moulin pastelier, deux moulins à vent et 120 sétérées de terre noble (ancienne mesure agraire équivalant à la surface de terrain que l’on peut ensemencer avec un setier de blé — lequel est imprécis : entre 150 et 300 litres…) dont la métairie de Caveroque. La famille de Donault, originaire de Saint-Ybars s’agrégea à la noblesse dans la première moitié du XVI° siècle. elle a fourni une lignée de trésoriers généraux de France, deux évêques de Mirepoix et plusieurs capitaines, chevaliers de Saint-Louis.
En quoi consiste la charge de trésorier général de France pour laquelle les de Donault se succèdent de père en fils tout en gardant le titre de seigneur de Mézerville ? Nous reproduisons le serment que devait présenter le titulaire devant le président de la Chambre des Comptes de Toulouse lors de sa réception :
Vous jurez devant Dieu et ses saints évangiles
• que vous servirez bien et loyalement le roi en cet office de trésorier de France.
• Que vous ferez diligence de faire venir les deniers du roi par les receveurs du domaine de votre charge.
• Que vous ferez payer entièrement les fiefs d’aumosnes, rentes et héritages…
• Que vous ferez faire les réparations des maisons et hôtels du roi.
• Que suivant les ordonnances, vous ferez les visitations et chevauchées de votre charge et mettrez peine d’augmenter le domaine du roi…
• Et généralement, ferez comme un bon officier doit faire en sa charge. »
Le récipiendaire répondait : « Je le jure ».
Noble Jean de Donault, trésorier général de France en la chancellerie de Toulouse, reçut en 1625, comme seigneur haut justicier, une reconnaissance des habitants de Mézerville et rendit lui-même hommage au roi pour cette seigneurie le 9 janvier 1635.
Plus tard, à la Révolution, François de Donault, capitaine de la compagnie de Mousquetaires, chevalier de Saint-Louis, conseiller au Parlement de Toulouse, fut arrêté et conduit à Paris avec son collègue du Bourg, pour y être exécutés le 17 juin 1793. En 1799, dans la région, des Arbres de la Liberté sont mystérieusement abattus…
19° et 20° siècles : ruine et renaissance
En 1830 le château de Mézerville est acquis par les de Mondini, une famille établie dans la région depuis longtemps :Jean de Mondini, premier consul, est député par la communauté de Mirepoix aux Etats du Languedoc en 1606.
Jacques de Mondini est pourvu de l’office de juge en chef de la juridiction de Mirepoix le 11 mai 1628.
Etienne de Mondini, né à Villeneuve d’Olmes (Ariège), reçoit des lettres patentes de confirmation de noblesse le 5 mars 1827. Elles furent enregistrées par la cour royale de Toulouse le 16 juillet suivant.
En 1830, Etienne de Mondini a acquis le château avec ses métairies, soit environ 150 hectares de terre. Ses descendants le conserveront jusqu’en 1970 environ, après avoir vendu la plupart des métairies et laissé le bâtiment en très mauvais état.
Le 19° siècle est celui d’une lente dégradation jusqu’à la ruine du bâtiment. Il se dit que les descendants des de Mondini ont perdu leur fortune dans les casinos et n’ont plus du tout eu la possibilité d’entretenir le château.
Les dernières occupantes, les demoiselles de Mondini, réduites à la misère, ne vivaient plus que dans leur chambre au premier étage et dans la suite des archers où se trouvait leur ancienne cuisine. Tout s’était écroulé autour d’elles. Deux chaises de part et d’autre de la cheminée, un maigre feu au milieu, deux chèvres, parfois un jambon donné par leur dernière métairie (celle de La Lune)… Elles continuaient pourtant à enseigner le catéchisme aux enfants du village et les habillaient pour la procession de leur communion qui partait du château pour rejoindre l’église (bien proche…)
Nombreux sont ceux qui ont encore connu les deux demoiselles, restées célibataires, dont la dernière est décédée en 1965.
Sans enfants, elles avaient adopté un neveu pour que le nom ne se perde pas. Mais il est devenu propriétaire d’une véritable ruine, toiture effondrée, escalier mal en point, livré au pillage de tout ce qu’il contenait, et il a fini par envisager de le transformer en garenne pour les lapins !
En 1975 pourtant, M. Howard Gregory, un américain qui rénovait la Commanderie de Plaigne, réussit à le convaincre de ne pas le faire. Ayant acquis le château avec sa femme, Françoise, il entreprit une rénovation aussi périlleuse qu’hasardeuse et, après avoir arraché les arbres qui poussaient au milieu du château, il en rehaussa les murs et refit la toiture telle qu’on la voit aujourd’hui. La charge de deux rénovations importantes étant trop lourde, M. Gregory a revendu le château à un couple de toulousains qui divorcèrent très vite et le remirent en vente.
Fin 1994, lorsque Jacques Demichelis et Béatrice Steiner se portèrent acquéreurs, le château avait retrouvé sa toiture et les remparts autour de la cour. Il n’y avait aucun plancher, aucune fenêtre, c’était une volière pour les pigeons et quelques chouettes effraie ; le grand escalier en beau bois de chêne était à peine praticable. Il restait heureusement l’escalier à vis tel qu’il est aujourd’hui et les cheminées restées accrochées aux gros murs. Dehors c’était la jungle et la tour carrée au sud-est était démolie et irrécupérable.
Entre 1995 et 2005, Jacques Demichelis a conçu une rénovation respectueuse de la sobriété de l’architecture du château tel qu’il était au XV° siècle. Ingénieur, il était aussi passionné d’histoire, des techniques et des curiosités mathématiques : Voir les pages « Curiosités historiques géométriques » et « Le nombre d’Or, géométrie et quadrature du cercle ».
On trouve dans le grand salon de la suite bleue un mobilier allemand, typique des années trente : deux fauteuils, un canapé, une table et une vitrine. La famille de Béatrice en a « hérité » dans des conditions dramatiques en 1944. Ces meubles appartenaient au Docteur Irma Jacoby, gynécologue obstétricienne allemande, réfugiée en France avec sa mère en raison des persécutions antisémites organisées par le régime hitlérien. Irma Jacoby, son amie Carola Margulis et son mari, ont été arrêtés par la police française lors de la rafle du Vel d Hiv en juillet 1942. Ils ont été transférés au Camp de Pithiviers, puis à Auschwitz où ils ont disparu dans des conditions abominables. La mère de Irma, trop âgée pour être déportée, demeura avec Mme Steiner jusqu’à son décès en 1944, laissant ses meubles dans la famille de Béatrice. Ils sont les gardiens de l’histoire de l’arrestation de Irma, Carola et de son mari. Nous avons pu retrouver des documents, des lettres en particulier, l’appel émouvant de l’Archevêque de Toulouse dénonçant les conditions d’arrestation et de détention des familles juives, et une courte biographie de René Bousquet, organisateur de la rafle du Vel d’Hiv.
Cette publication sur Internet nous a permis de retrouver au Canada et en Australie des membres éloignés de la famille de Irma qui ne savaient rien de l’histoire de sa disparition et la cherchaient encore sur Internet. Ils sont heureux de savoir sa mémoire ainsi conservée. Des étudiants et médecins de l’hôpital de Francfort où Irma avait travaillé ont pu recueillir auprès de nous son histoire pour le livre qu’ils ont écrit à la mémoire de tous les médecins juifs de l’hôpital disparus dans la terreur nazie : « Nous ne pouvons plus changer leur destin »
Nous avons découvert avec surprise au Costa Rica une grande famille qui porte le nom de Mézerville, alors qu’aucune famille en France ne porte ce nom. Elle a pour origine l’émigration au XIX° siècle d’une jeune femme, Amélie Coupet, probablement issue de Mézerville et peut-être même du Château, sans que nous en ayons une preuve formelle. Le mystère n’est toujours pas éclairci : nous savons seulement qu’en arrivant au Panama, Amélie Coupet a déclaré deux enfants de père inconnu portant le nom de « de Mézerville ». L’un des deux enfants est mort en bas âge et l’autre a fondé une famille dont les descendants ont fini par s’installer au Costa Rica. Nous avons établi avec eux des liens très chaleureux depuis quelques années et la traditionnelle réunion de famille (Mettre un lien vers le fichier « Les de Mézerville au Costa-Rica » où il y a des corrections à faire), une grande famille de plus de cent personnes, s’est tenue au château à Mézerville en 2006. A cette occasion, des membres de cette famille très catholique ont composé une messe dédiée à leur aïeule Esther de Mézerville (1885-1971), enseignante, féministe et militante pour le droit de vote des femmes.
Passionné d’histoire et en particulier de l’histoire des techniques, Jacques Demichelis s’est employé à reconstituer des machines de construction médiévales, des machines qui ont probalement servi à la construction du château :
• Une grue sur pivot dont le vent d’autan a eu raison un mauvais jour de 2020 et dont il ne reste que les photos et l’une des deux roues. Elévation de + de 5 m et pivote à 360° . soulève 400kg sans contrepoids et plus d’une tonne avec 4 hommes et un contrepoids. Pince de préhension pour prendre les pierres.
• Un enfonce-pieux ou sonnette de battage : soulève une masse métallique guidée et la laisser tomber en chute libre sur le pieu à enfoncer, lui-même guidé par la même structure verticale. Un treuil avec une grande roue soulève la masse au moyen d’un crochet articulé ; une traction sur l’extrémité du levier du crochet provoque le basculement et libère la masse métallique.
On doit rappeler que ces appareils fabriqués en bois suivant les techniques de la charpenterie traditionnelle étaient conçus pour être facilement démontés, transportés et remontés à chaque niveau d’élévation du bâtiment, le poids des pièces les plus lourdes n’excédant pas 120 kg.
Utilisées dès l’Antiquité, ces machines ont permis en particulier la construction du Canal du Midi, mais elles ont aussi servi à construire les cathédrales.
Jacques Demichelis nous a quittés en novembre 2007. Pendant le dernier été, il avait tenu à offrir au village un spectacle dans la cour du château. Depuis, chaque année, pour la fête du village, la cour du château accueille un nouveau spectacle. Il nous revient de poursuivre le chemin et de faire vivre le château afin que, en lien avec l’association Archi Mézerville !, vivent aussi les maîtres mots : convivialité, protection du patrimoine et de l’environnement, développement du territoire autant que possible.